Un ciel grisâtre
Nous avons tous en mémoire des images d’un ciel obscurci par la pollution, le smog, la fumée noire que crachent les cheminées d’usines et l’odeur âcre de l’air ambiant. D’autres images similaires de lieux naturels gâchés suite au passage de l’homme s’imposent à nous. Nous sommes devenus familiers de ces tristes scènes sources de sentiments mêlés de révolte et d’impuissance à changer ces situations. Le risque réel est de sombrer dans l’indifférence.
Mais me direz-vous, je connais bien ce scénario, mais je ne vois pas le lien avec la méditation ?
Prendre conscience de la toxicité des choses
Voici le lien. Nous sommes imprégnés de ces environnements toxiques, non seulement vivons-nous dans ce monde, mais il est aussi au-dedans de nous. Nos pensées distraites, nos émotions difficiles, ainsi que nos inquiétudes et préjugés, sont autant de polluants issus de ce monde étrange que nous façonnons et qui nous transforme en retour. Dès lors, nous sommes enfermés dans ce diallèle, un véritable cercle vicieux qui devient rapidement un enfer.
De nouvelles maladies anxieuses voient le jour avec l’écoanxiété et la solastalgia* qui pourrait se définir comme la nostalgie de la maison que l’on a perdue et que l’on ne peut retrouver intacte. Comme si la convoitise insatiable des hommes empruntait les lignes de failles géologiques pour creuser des fissures dans le mur de leur indifférence. En ces termes, l’anxiété se comprend comme une réponse santé à un mal universel.
Reconnaître l’origine de notre désert intérieur
Une part de la traversée du désert intérieur que rencontre de plus en plus de personnes, ne viendrait-elle pas de nos environnements physiques et mondains, qui transforment inexorablement notre existence en déserts ? D’un côté, la plastification du monde et de l’autre, la peur contagieuse qui fait de notre prochain un être à exclure. N’y-at-il pas ici des liens à reconnaître entre la souffrance du monde et celle intérieure ?
Renouer avec l’Âme du monde exige davantage qu’une marche en nature. En fait, c’est une véritable conversion vers l’union avec notre âme singulière qui demande autre chose que la mondanité et les objets matériels. Mais passer de ce dehors souffrant au-dedans désertique exige le courage de la prise de conscience de son état de toxicité.
Passer du dehors au-dedans
La méditation consiste à retrouver le chemin du Soi, cette présence intérieure mythique et vivante qui se tient hors d’atteinte des assauts de l’existence. Plus qu’un concept ou une théorie, le Soi se manifeste comme la racine de la vie, une force et un lieu de renaissance pour la personne qui se tient sous sa lumière incréée.
L’invitation consiste à rebrousser chemin, et passer du dehors au-dedans afin d’entrer dans le silence qui régénère et redonne une virginité au cœur meurtri par le monde.
Mais attention, il ne s’agit pas de méditer en réaction contre cet état de délabrement extérieur et intérieur et de fuir cette réalité difficile, mais plutôt développer une vigilance de l’esprit, c’est-à-dire l’attention pure pour reconsidérer en profondeur la nature de la souffrance.
C’est à ce prix que la véritable transformation intérieure pourra opérer un changement radical à l’extérieur. Nous ne sommes jamais tranquilles, mais nous pouvons avoir le cœur tranquille nous disait Yvan Amar*.
Vaincre
Pour vaincre le pessimiste et le découragement, nous devons nous tenir à l’écart de la rumeur ambiante et méditer au niveau du cœur. C’est de cet espace que tout changement véritable surviendra et non de nos « bonnes intentions ».
Lorsque le cœur tient lieu de résidence à la Beauté, la peur et la haine reculent. L’émerveillement surplombe la désillusion et éloigne le désespoir. Vient alors la Présence aussi réelle que douce qui s’élève comme un chant sorti du silence. Ce chant possède la puissance de réenchanter le monde. Les eaux du fleuve abreuveront de nouveau le sol et nous pourrons à nouveau marcher sur une terre oasis.
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Ce texte est inspiré de cette lecture :
Christian Bobin, extrait de L’homme-joie, Paris, l’Iconoclaste, 2012.
Nos pensées montent au ciel comme des fumées. Elles l’obscurcissent. Je n’ai rien fait aujourd’hui et je n’ai rien pensé. Le ciel est venu manger dans ma main. Maintenant c’est le soir, mais je ne veux pas laisser filer ce jour sans vous en donner le plus beau. Vous le voyez le monde. Vous le voyez comme moi. Ce n’est qu’un champ de bataille. Des cavaliers noirs partout. Un bruit d’épées au fond des âmes. Eh bien, ça n’a aucune importance. Je suis passé devant un étang. Il était couvert de lentilles d’eau ̶ ça, oui c’était important.
Nous massacrons toute la douceur de la vie et elle revient encore plus abondante.
* Yvan Amar. Tisser le lien. Méditations. Éditions Albin Michel, Coll., Points-Vivre, 2016
Un texte complémentaire que je vous suggère : Pourquoi méditer aujourd’hui ?
* Pour s’informer sur la Solastalgia
Merci de nourrir ces moments d’éveil au monde et à soi.
Merci pour ces écrits inspirants et même réconfortants
Merci pour ce doux rappel à une connexion à l’intérieur de soi par la méditation
Quelle générosité du temps accordé à nous offrir ces réflexions remplies d’élan, d’espoir et nous incitant à s’intérioriser davantage car c’est le sanctuaire où la vérité, la sagesse et la confiance sont en permanence pour nous permettre de suivre notre chemin de vie.
Cet extrait m’a émue: « Lorsque le cœur tient lieu de résidence à la Beauté, la peur et la haine reculent ».
Un grand merci imprégné de reconnaissance.
Merci pour ce message très apprécié que je recois avec grand plaisir.
Merci de ce beau chemin à parcourir qui me donne plein d’espoir.