La volonté de vivre
Lorsque l’on envisage l’existence à la lumière de notre propre mort, notre vie se transforme en un destin singulier.
La mort n’est point notre issue,
Car plus grand que nous
Est notre désir, lequel rejoint
Celui du Commencement,
Désir de vie.
François Cheng
Humilité
Toutes les grandes traditions religieuses ou philosophiques considèrent sérieusement de contempler la vie à partir de la mort.
Cette dernière est une nécessité pour saisir la profondeur de notre ignorance. Contempler l’énigme de la vie abolit toute arrogance que l’on pourrait entretenir d’un savoir forcément parcellaire.
La dramatique beauté de la vie résiste à nos investigations. Et à notre désir de nous l’approprier. On ne peut qu’être un témoin éphémère, un passant furtif qui traverse une brève, une très brève portion du temps qui s’écoule, indifférent.
Alors, la vie nous renvoie à la question de la mort. Pourquoi est-elle là, à nous guetter dans l’ombre, peu importe l’âge?
L’assise
Il serait vain de pratiquer la méditation sans se poser en assise intérieure face à la mort. La méditation n’est pas un passe-temps, un trompe-l’œil qui nous met à l’abri de notre précarité humaine. C’est en fait, tout le contraire. La méditation nous appelle à nous tenir debout et conscients devant la mort. Ce n’est qu’à ce prix que nous prenons pleinement la mesure de la richesse inouïe de la vie. Devant la mort, on sent la vie couler dans nos veines.
La mort se dérobe à toute analyse savante. Elle est l’après qui refuse toute investigation. Par contre, ce qui est en notre pouvoir, c’est d’en dessiner les contours selon notre entendement individuel et collectif.
Sur la volonté
La volonté refuse de mourir, en fait, elle refuse l’absence de signification qui donnerait une valeur à notre vie. Sinon, c’est le désespoir, la folie dans certains cas, qui guettent l’esprit laissé seul devant le néant. Vertige.
Notre volonté ne serait-elle pas plus que la fonction psychologique qui habituellement la définit? Je pose la question pour ouvrir une réflexion sur ce qui nous anime de vouloir vivre.
La volonté ne meurt pas. Elle semble continuer au-delà de la frontière érigée par la mort. Elle est en fait, le dynamisme de la Vie qui surpasse les fonctions biologiques et psychologiques.
La volonté elle-même est mue par cette mystérieuse force vitale. Et cette puissance semble correspondre à ce qu’on appelle l’Amour et la Bonté.
Cependant, cette transcendance peut être contrecarrée par une force contraire, une puissance démonique qui fascine et oriente la volonté vers le bas. Entre le démonique et l’angélique, la liberté devient le pivot de la volonté.

Tant qu’il est encore temps
Naître et vivre, c’est-à-dire faire des expériences quelconques et mourir. Est-ce que l’existence se résume à cela? Ou, y a-t-il autre chose? Je ne répondrai pas à ces questions. C’est à chacun et à chacune, dans le creux de son intimité de tenter une réponse qui lui fasse sens.
Cependant, une chose est certaine. Quelle que soit notre réponse du moment. Que notre pensée soit aussi légère que les feuilles d’automne que le vent fait virevolter, ou aussi dense que la pierre qui résiste aux assauts des intempéries; la réponse demeurera partielle, car une part d’inconnue persiste jusqu’au jour du départ définitif.
Qu’en pensez-vous?
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Citation : François Cheng. Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie, Paris, Nouvelle édition, Albin Michel, 2013, 169 p., p. 139.
Photo : rose d’automne après un gel nocturne.
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