Le retournement — Passer à l’orient intérieur.

Le secret de l’automne se tient dans le regard que nous portons sur les choses de la vie. Apprendre signifie faire l’expérience par les sens. Ce sont nos sens qui nous font découvrir la merveille de sentir l’herbe sous nos pieds, de penser, de respirer, de contempler en toute simplicité. Enfin, de goûter à la vie, ne serait-ce qu’en croquant dans une pomme.

L’automne, dit-on, est la saison des souvenirs. Nous commençons à regarder les choses extérieures différemment. Je dirais, avec une certaine distance. 

L’intuition profonde des interconnexions complexes qui tissent notre univers est un signe que la dimension intérieure et inclusive du regard prend le pas sur le simple regard extérieur des choses. Ce renversement est graduel, par petites touches de couleurs. 

C’est la période du ralentissement, du laisser courir. Nous prenons conscience de l’importance du cœur.

L’automne de la vie est une opportunité pour grandir différemment. La gloire extérieure s’estompe et laisse apparaître une lumière intérieure, plus discrète, et qui peut-être, jusqu’ici, passait inaperçue.

D’ailleurs, la foison des groupes de croissance et de santé alternative s’explique en grande partie par ce cycle automnal de l’âme. Le piège sera de rester au niveau sensible des velléités du soi. De ne pas faire le passage vers le Soi supérieur, qui est le véritable siège du cœur. En ce sens, nous pouvons dire qu’il y a des automnes trompeurs, où la transition vers l’essentiel demeure de l’ordre du fantasme et de l’allégorie romantique.

L’infraction nécessaire

Il y a un lien étroit entre la rencontre avec soi pour retrouver notre identité véritable et le retrait. 

L’automne de la vie est une infraction sociale quand tout nous pousse vers l’activisme extérieur.

Ce passage vers le Soi supérieur ne peut se faire dans l’étreinte du collectif, mais seulement par le processus d’individuation qui correspond à celui de séparation et d’union. Le seuil du Soi demeure farouchement intime.

Le retrait de nos jours, est devenu intolérable. C’est l’infraction première dans le tissage social. Il se doit d’être claironné, documenté. L’intimité, mise à nue, laisse l’âme sans abri et livrée aux griffes du collectif. Avec la modernité, le secret a perdu sa place, remplacée par les réseaux sociaux qui envahissent sans retenue les espaces privés. 

La douceur. Le passage insoupçonné du dehors au-dedans

Renouer avec soi passe par la douceur. C’est la douceur qui induit la guérison des blessures apportées par l’extérieur.
La douceur demande l’intimité, le sens du secret. C’est dans cet espace qui s’étend à l’infini que se déploie la conscience non envahie par le bruit extérieur. Vous ne pourrez pas vous tromper. Ses traces sont perceptibles. La chaleur précède la joie simple et gratuite. Ainsi, nous revenons à nos sens. La chaleur du toucher, du regard, d’une intonation… d’un geste. L’automne intérieur est avec la douceur, l’un des passages du dehors au-dedans.

L’heure mauve de la méditation

Renouer les fils cassés de notre passé demande une écoute attentionnée. 

À l’automne, non seulement notre relation au temps change, mais nous y découvrons une texture singulière. 

C’est l’heure mauve de la méditation. 

Des instants lumineux passés devant un coucher de soleil. 

Pour l’initié.e qui connaît les arcanes des heures à venir, observer le serein qui se dépose sur l’herbe et annonce la fraicheur de la nuit qui vient, ne suffit pas. Il lui faut recueillir de cette eau, la substance qui unit le bleu du ciel et le blanc de la terre, afin que la lumière sans tache éclaire les longues nuits de l’hiver qui s’annoncent. 

L’automne intérieur est le temps secret des retrouvailles et l’annonce d’une réconciliation dèjà à l’œuvre.

Prochain article : Une rencontre inédite.

Lecture d’accompagnement.

Puissance de la douceur, de Anne Dufourmantelle, Éditions Rivages poche,. Petite bibliothèque, 2002, 136p.