Le « rien et le vide »
Il arrive que le mal-être devienne l’identité première d’une personne, au point où l’absence de malaise soit perçue comme un danger. Cette constatation surprenante demeure d’actualité. Voici une histoire vraie qui nous parle qu’accepter d’aller mieux ne va pas toujours de soi.
Bien que ne croyant pas tellement au changement de sa situation, Corinne (ce nom est fictif) a commencé quelques séances de méditation. Après quelques semaines de pratique, elle a fait l’expérience nouvelle de ne pas éprouver pour un certain temps, l’impact de ses pensées négatives envers elle-même. Je me sentais bien, légère même, dit-elle. C’était quelque chose de bon que j’avais oublié… J’étais délivrée du poids des émotions lourdes qui handicapent tellement ma vie… C’était comme si rien ne m’arrivait. C’était le vide.
Étrangement, malgré son expérience positive de bien-être, Corinne a cessé peu après de venir aux rencontres hebdomadaires de pratiques méditatives. Ce n’est que dernièrement que j’ai reçu le témoignage de Corinne. Avec sa permission, je vous résume les faits en quelques mots.
Accepter d’aller mieux
Accepter d’aller mieux ne va pas de soi lorsque l’existence tourne autour des malaises, et que le sens de la vie soit uniquement identifié au mal-être.
Accepter d’aller mieux, c’est consentir à laisser entrer un souffle nouveau en soi. C’est apprendre à respirer librement, sans contrainte. C’est voir autrement la vie, les gens autour de soi, les événements qui constituent l’existence. Cela ne se fait pas sans abandonner ses vieilles habitudes ni sans l’angoisse du « rien ».
Lorsque la souffrance est devenue l’identité d’une personne, et que son espace, meublé de craintes et d’agitations de toutes sortes, est remplacé par l’expérience naissante de ce « rien et ce vide », les croyances sont ébranlées et l’angoisse surgit.
Certes, cet inconnu à venir doit être affronté, mais aussi, celui que nous sommes vis-à-vis de nous même, l’inconnu intime, qui vit au fond de notre conscience, demande à être apprivoisé.
Le courage d’être bien surpasse l’angoisse d’être bien
Si ce passage est une source d’angoisse, il est aussi une occasion de courage. Quitter son identité souffrante, pour reconnaître un autre moi, non encombré par des troubles divers, fait appel aux ressources supérieures de la personne, plus particulièrement, à la confiance.
Plus que le lâcher-prise, abandonner son identité douloureuse pour explorer une nouvelle manière d’être peut bouleverser une existence bien établie jusqu’ici. Quelques questions viennent à l’esprit : que m’arrive-t-il ? Et : qui suis-je vraiment ?
Changer de mantra
Le leitmotiv, je souffre, donc je suis, doit être remplacé par l’expérience gratifiante et vaste de la vie. Ce « rien » est en fait le seuil à traverser pour trouver d’autres dimensions dont l’âme aspire et qui portent les noms de sérénité, de bonheur et de paix. Ce dynamisme nouveau est à la base de la vie qui se déploie dans l’existence humaine.
Consentir, dans cette optique, est l’envers de l’abdication. Cette action libératrice ouvre sur un univers spiralé. Découvrir que l’on a un potentiel infini autre que la souffrance peut paraître inconcevable aux yeux de l’ancienne identité alors que la nouvelle n’est pas encore établie. C’est la vertu de courage qui permet de demeurer ouvert à l’expérience et ce travail ne peut se faire seul. Le recours à la solidarité d’un groupe de personnes qui est en mesure de nous refléter autre chose que la peur et l’échec permet d’avancer et de construire la confiance jadis ébranlée.
Corinne a à faire face autant à la peur qu’au désir d’aller mieux. À la croisée de sa route, deux choix se présentent à elle : l’ancien chemin fait d’épines est connu, rassurant même. Le nouveau, porteur d’un espoir de renaissance, est à découvrir. Elle a choisi la deuxième option.
Épilogue
Il y a en chacun et chacune de nous une Corinne. Un jour, nous arrivons à cette croisée des chemins. C’est une invitation à poursuivre notre route, toujours plus loin, toujours plus près de soi.
Courage et bonne route.
très pertinent
C’est vraiment sur ce seuil que je me trouve présentement. Je l’apprivoise de jour en jour.