Cet article aborde un ensemble de questions traitant des changements premiers qu’apporte la pratique de la méditation.
Nous pouvons définir la méditation comme un état, ce qui est beaucoup plus juste que de la considérer comme une activité. Cependant, passer d’une activité à faire, à un état d’être contemplatif, qui caractérise l’attitude de la méditation, oblige le méditant et la méditante à effectuer certains passages.
Plusieurs passages marquent les chemins de la profondeur, et la méditation entraîne avec elle le méditant vers une unité de plus en plus grande.
Un changement de conscience se produit graduellement lorsque la pratique performante de la méditation sera vécue de manière différente. Le passage vers une plus grande unité se manifeste par une attitude nouvelle face à la méditation. Ce qui auparavant était une période difficile à insérer dans le quotidien devient un moment attendu et recherché. L’importance donnée aux périodes de méditation prime les autres activités alors que des stratégies et des aménagements de vie viennent favoriser la régularité et la fidélité à ces rendez-vous avec soi.
Le temps n’a plus la même importance. Il ne s’agit plus de compter le temps écoulé, mais de goûter l’expérience. La durée s’efface pour laisser place à la présence dans un espace nouveau et infini à l’intérieur de soi et qui est à découvrir.
Le mental si agité au début semble se calmer plus rapidement et l’anxiété montante, favorisée par le silence et l’immobilité, fait place à un sentiment de confiance selon lequel rien de mal ne pourra nous arriver pendant ce court laps de temps. L’inconnu en soi semble moins inquiétant et l’intimité découverte donne le goût de prolonger cette rencontre silencieuse. S’il est attentif aux signes nouveaux, le méditant verra poindre sans l’avoir recherché, un sentiment de joie ou de sérénité qui échappe à toute tentative de possession.
S’il en est ainsi, c’est que tout ce qui est divisé au sein de la personne tend maintenant vers une nouvelle ordonnance unifiée en un centre indivisible. La tendance à la dispersion fait place au désir de simplicité.
Cependant, cette expérience heureuse peut être une source d’inquiétude pour le méditant et la méditante. Régulièrement, les questions fusent : Est-ce normal ? Est-ce que je ferais mieux de cesser la méditation ? Que m’arrivera-t-il si je continue ainsi ?
Des changements subtils au début. Ce qui était jugé intéressant auparavant est devenu fade. Le méditant n’éprouve plus la même satisfaction en se livrant à des activités habituellement appréciées. Certaines relations entretenues sans trop de questionnement deviennent lourdes à porter et sont remises en question. Les discussions auparavant recherchées sont maintenant perçues comme oiseuses. Toute agitation inutile devient intolérable et le bruit fait fuir le méditant vers des espaces plus silencieux. L’inquiétude d’être seul-e se manifeste.
Si la réponse est simple, elle n’est pas nécessairement rassurante pour le débutant et la débutante. C’est que le chemin d’unité est commencé, accompagné des premiers signes de détachement des différents moi superficiels, et cela le mènera jusqu’à lui-même, profondément, véritablement.
Reconnaître ses moi multiples et divisés peut toutefois sembler intolérable si l’esprit critique juge à l’aune des valeurs de l’égo. Cependant, impossible de revenir sur ses pas pour retrouver l’agitation qui lui procurait la sensation d’exister! Le méditant est suspendu entre deux vides. S’il opte pour l’instant présent, nous dit Marie-Madeleine Davy, il pourra progresser; s’il refuse, il risque d’être submergé par le désespoir. Seul le courage d’être, puisé au centre de soi, permet de poursuivre.
C’est ici que la communauté de méditation (la sangha pour les bouddhistes) prend toute sa valeur. L’expérience de l’un aidera l’autre et elle pourra être partagée et comprise. La persévérance sera appuyée par le groupe. Faire l’expérience de la présence au Soi du groupe, permet à chacun et chacune de goûter le silence réparateur d’être Un et ensemble.
Le choix assumé de marcher sur ce chemin de solitude fera sortir le méditant de l’ornière du commun et, paradoxalement, rencontrer d’autres êtres comme lui ou elle, voués à la recherche de l’unité. ◊
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