Un guide pour la traversée
Nous avons terminé le premier article L’alchimie des émotions sombres en nous demandant comment élargir cette trouée qui laisse à peine passer un filet de lumière ? Et comment mettre fin à l’enfermement des émotions sombres ?
La sortie de ce labyrinthe demande de la persévérance et un effort de discernement. Voyons comment :
Apprivoiser la puissance des ces émotions
L’émotion est la source première de tout devenir conscient.
Carl Gustav Jung
Carl Gustav Jung, le célèbre psychiatre zurichois enseignait que l’émotion est la source première de tout devenir conscient. Sans elle, disait-il, « […] il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement1. »
Autrement dit, l’émotion est le lieu de l’alchimie de l’ombre et de la lumière. Ce n’est pas en demeurant à la surface de ces eaux ténébreuses que nous trouverons la lumière, mais en plongeant en profondeur malgré l’opacité peu invitante.
Pour s’affranchir
Un travail en trois temps nous incombe personnellement pour s’affranchir de ces émotions sombres :
Premièrement
Apprivoiser la puissance des ces émotions, connaître leur genèse, savoir d’où elle viennent, comment elles naissent en nous.
Deuxièmement
Nous devons également reconnaître l’impact de ces émotions et leurs effets sur notre devenir personnel et collectif et agir en conséquence.
Troisièmement
Faire l »expérience définitive que nous ne sommes pas nos pensées ni nos émotions. Expérimenter qu’il y a en chacun de nous, une instance libre et inaltérable qui n’est pas atteinte par nos contingences. C’est le Soi, ou le vrai moi.
Un exercice vous est suggéré pour débuter ce travail personnel
Voir au bas de cet article.
Le sésame
La caverne dans laquelle vous redoutez de pénétrer
contient le trésor que vous recherchez.
Joseph Campbell³
Le sésame se trouve dans l’écoute véritable de ces émotions ombrantes. La clé est la lucidité de conscience et vient avec elle, la maîtrise de son monde intérieur.
Dans cette caverne intérieure que plusieurs redoutent, nous y rencontrons un peuple composé de démons, de chimères et de dragons, images de notre enfance certes, mais également images de nos projections que nous devrons nous réapproprier. C’est à ce prix, qu’elles perdront leur emprise sur nous. Lorsque ces ombres se manifestent, c’est qu’elles ont besoin d’être entendues. Elles attendent notre secours pour se transformer en prince et en princesse.
Dans cette écoute en profondeur, nous faisons aussi l’heureuse rencontre des gardiens de la vie. Ces protecteurs ont toujours été présents et attendent patiemment d’être accueillis. Ces anges ne s’imposent pas, ils ne forcent rien. Ce sont les vigiles oubliés de l’ombre qui se tiennent près de nous dans les moments d’épreuves. Savons-nous les reconnaître ?
Renversement : Et si je faisais de ma vulnérabilité, ma force ?
Sonnez les cloches qui peuvent encore sonner
Oubliez vos offrandes parfaites
Il y a une fissure en touche chose
C’est ainsi qu’entre la lumière.
Anthem, Leonard Cohen
La traversée des émotions sombres n’est pas uniquement une rencontre avec la fragilisation qui nous habite. C’est surtout la rencontre avec la puissance de la résilience qui nous fait gravir les montagnes. Cette traversée est un travail de psychosynthèse où l’accueil de notre vulnérabilité et la reconnaissance de nos forces permettent une fois réunies, une plus grande unification de notre être.
Mais, nous ne sommes pas seul.es !
C’est au milieu de cette nuit sombre qui côtoie les grandes noirceurs que nous rendent visite ceux qui ont traversé avant nous ces périodes obscures. Par leurs veilles confiantes offertes en prières, leurs présences traversent le temps et l’espace jusqu’à nous.
Ces présences bienveillantes et protectrices font reculer la nuit et entretiennent la promesse d’une aurore. Mais savons-nous les recevoir ? Avons-nous conscience de cette bienveillance qui nous est adressée personnellement en ces moments ?
C’est au plus fort de ces nuits que cette grâce de la délivrance survient, quand l’espérance est sur le point de s’éteindre et que la résignation guette le veilleur. Telle une certitude venue d’un ailleurs visité lors de ces périodes sombres, les paroles de Catherine Chalier comblent la béance de ces nuits.
Les visiteurs de la nuit
« Quand le désespoir grandit, comment penser qu’un acte (parole ou pensée) venu d’un lointain passé vous soit destiné, telle une indéfectible promesse de clarté, malgré la nuit ? … Il existe un lien caché dans le clair-obscur du psychisme, un lien qui ne souffre pas la grande lumière du jour, entre la grâce reçue — amour, libération — et le comportement de telle ou telle personne qui, jadis, a posé des actes dont la force n’est pas éteinte et qui, soudain, peut éclairer le présent et sa nuit. C’est aussi l’un des sens de cette idée, troublante aux yeux de l’individualisme moderne, selon laquelle le “mérite” (zékhout) de certains ancêtres n’est pas perdu avec leur mort. Les conséquences de ce “mérite” — c’est-à-dire de ce qui est toujours au-delà de ce qu’on est en droit d’attendre de quelqu’un, en fonction de circonstances données — bénéficient à d’autres, parfois longtemps après, de façon imprévue et graciante. Ce léger décalage, cet au-delà du strict devoir en quoi consiste le mérite, serait une part d’amour et de grâce, une part appelée à grandir encore pour éclairer ceux qui, quelque part dans la nuit, sont sur le point de se résigner, voire de succomber2. »
La promesse d’une aube heureuse
Arrêtons-nous un instant sur ces mots remplis de sagesse. Nous poursuivrons lors du prochain article cette brève introduction sur la traversée des émotions sombres.
Exercice pour apprivoiser et s’affranchir des émotions sombres et trouver les trésors oubliés :
⇒ Assoyez-vous confortablement, fermez les yeux et respirez en douceur et profondément. Prenez le temps qu’il faut pour vous détendre.
⇒ Laisser monter vos sensations et les images qui effleurent votre conscience. Demeurez calme et ne faites que les observer. Sans plus. On ne fait pas d’analyse, on reste seulement en présence de ces visiteurs intérieurs. — Vous pouvez faire cet exercice plusieurs fois par jour.
⇒ La troisième phase consiste à refaire cet exercice chaque fois qu’une émotion difficile fait surface et dérange votre tranquillité.
Demeurez aussi longtemps que possible sans bouger et en respirant calmement en présence de ces émotions ou ces pensées. Vous verrez. Elles passent et finiront par ne plus vous assaillir.Bravo ! La maîtrise vient avec la répétition et la persévérance. Cet exercice vous aidera à apprivoiser votre monde intérieur et graduellement à vous affranchir de vos liens avec ces pensées et ces émotions difficiles.
Ressources pour aller plus loin :
¹ C.C. Jung. L’âme et la vie, Livre de poche, coll. Références, 1997 – avec Michel Cazenave
² Catherine Chalier. La nuit, le jour. Au diapason de la création. Paris, Seuil, 2009, 250 p., p. 57-58
– La citation de Joseph Campbell est tirée du livret Cinquante-deux questions indiscrètes pour mieux se connaître. – Semaine 46.
Le prochain article est ici : La dimension oubliée
Crédits photo : par Nico, Unplash
Merci pour ce partage. En effet le voyage le plus important est celui que l’on fait en soi-même. Ne pas se rêver, mais se co-nnaître, se mettre au monde.
En fait rien de ce qui est humainn ne m’est étranger. Ce constat est à la fois porteur d’espoir mais aussi un appel à la vigilance. Tout est là, le saint et le monstre, mais c’est à moi de choisir ce que je nourrirai.
« Connais- toi toi-même et tu connaîtra, l’univers et les dieux. » Socrate