Les derniers mois ont été éprouvants pour certains de notre communauté, qui ont perdu un être cher. Novembre est le mois du souvenir et cet enseignement voudrait apporter un message de réconfort à ceux et celle qui en ont besoin.
◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊
Avant de s’éteindre, le 30 décembre 1982, le père John Main, o.s.b., a donné cette conférence le 6 octobre de la même année lors du 4e congrès international de soins terminaux, qui se tenait à Montréal. Cet enseignement est tiré de sa conférence Death, The Inner Journey, que l’on retrouve dans le livret traduit par Claudette Bertrand sous le titre La mort : le voyage intérieur.
Le symbole du cerf
En couverture du livre, on remarque un cerf. L’archétype du cerf est une image transculturelle que l’on retrouve à travers l’histoire humaine et qui renvoie à une dimension intemporelle. Le cerf cosmique est un symbole numineux, un psychopompos qui traverse (qui fait le pont) du temps à l’éternité. C’est un archétype du Soi intégré, précise Polly Schofield.
D’ailleurs, on retrouve nombre d’images du cerf comme symbole, toutefois dégradé, dans la période de Noël. C’est un rappel que cette image intemporelle traverse encore notre imaginaire pour nous rappeler que nous appartenons à la fois au monde terrestre et au monde céleste.
Le royaume intérieur
Pour l’enseignement de ce soir, arrêtons-nous à quelques passages de la conférence de John Main.
Le Royaume des cieux est à l’intérieur de nous (Luc. 17.21)
Le voyage intérieur qu’est la méditation, est une voie de l’union qui nous unifie avec nous-mêmes et… nous unis aux autres. Être uni à l’autre ouvre sur le mystère de l’amour et nous unit par conséquent avec Dieu afin que Dieu soit en tous (1 Cor.15:28) – (p. 7).
La mort est l’événement personnel le plus imminent et le plus accablant que nous puissions expérimenter et la méditation est l’école où nous apprenons à travers les multiples petites morts de l’égocentrisme à accueillir et à vivre la mort ultime. Cette voie de la méditation est le chemin vers notre centre le plus intime et le voyage au-delà de nos propres limites (p. 7).
Le détachement ultime
La méditation est vraiment le chemin du détachement ultime. Par nos périodes d’immobilité et de silence nous apprivoisons notre nature, autant que nous nous détachons de tout ce qui entrave la relation ultime avec la source de notre vie.
Une des morts les plus difficiles, mais qui représente en même temps une occasion de libération véritable, est celle de nos illusions, surtout en ce qui concerne l’aspect magique, c’est-à-dire infantile du religieux. Méditer c’est affronter avec courage la réalité de la mort dans la nudité sans le recours à l’imaginaire. À chaque fois que nous méditons, nous mourrons à notre moi, à notre ego.
Une nouvelle naissance
La mort à l’égoïsme est une naissance à la vie. Ne faut-il pas naître de l’Esprit pour vivre réellement et participer au Royaume. La méditation et le voyage intérieur ne sont pas des théories; ils font partie de la vie. La méditation est intimement liée au quotidien de notre existence. (p. 7)
Réciter le mantra, disait John Main, est la chose la plus difficile à faire car il s’agit de mourir à tout ce qui constitue notre trame quotidienne pour abandonner tout et le suivre jusqu’au centre de Soi. Accéder à la plénitude de la vie est notre destinée, disait encore le père John. Elle guérit notre blessure fondamentale, celle d’un soi divisé qui nous sépare de nous-mêmes, des autres, de Dieu. (p. 9)
Lorsqu’une personne aimée meurt et que nous faisons l’expérience de sa mort, nous retournons à notre propre vie avec une perception plus claire et plus pure de notre vraie perspective de vie. La raison est simple : nous avons participé à la mort d’une personne aimée — à la mort d’une partie de nous-mêmes. (p. 11-12)
La mort. Un ébranlement salutaire
La mort d’un être cher et le contexte de son décès peuvent ébranler nos certitudes et nos croyances. C’est une occasion de revisiter notre position face à la mort et à l’après-mort. Quelques fois cette expérience devient vertigineuse tellement l’infini nous apparaît en pleine lumière.
La mort d’un proche ne vous condamne pas au désespoir…
Ne vous étonnez pas si vous êtes en deuil et que la douleur causée par la séparation d’avec l’être cher, bien qu’éprouvante, ne vous dévaste pas et ne vous renvoie pas dans les marécages du désespoir où, la nostalgie vous empêche d’avancer sur votre chemin de vie.
J’ai remarqué chez les personnes qui ont une vie de foi et qui méditent sérieusement que les trajectoires de deuil sont empreints de confiance et que la disparition physique de l’autre ne vient pas rompre la relation profonde (le cœur-à-cœur chrétien et non psychologique) avec l’autre. Quand la relation aux autres dépasse les dimensions psychologique et sociologique et qu’elle inclut la dimension spirituelle (c’est-à-dire l’amour sans l’attachement morbide), les dictats énoncés par la psychologie tiennent moins la route. C’est un signe que vous appartenez au Royaume.
Le père John cite Paul à ce sujet :
Il n’est pas étonnant que nous ne perdions pas courage. Bien que l’homme extérieur s’en aille en ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Ainsi la légère tribulation d’un moment nous prépare bien au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non pas les choses visibles, mais celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles. Aussi nous gémissons parce que nous sommes enfermés dans cette demeure terrestre. Nous sommes accablés parce que nous ne voulons pas nous dépouiller de notre vieux vêtement. Nous voulons plutôt en revêtir un nouveau pour que ce qui est mortel en nous soit absorbé dans la vie immortelle. Dieu lui-même nous a façonnés pour ce destin et en gage il nous a donné l’Esprit. Dès lors, nous ne cessons jamais d’être confiants. (1 Cor. 4-16) (p. 14)
L’égo dépassé
Dépasser l’égo pour se tenir au cœur de soi (le Christ en soi) permet d’être en communion sereine avec la personne décédée. Les remontrances que l’on se fait gratuitement et généreusement, les regrets et les apitoiements envers la personne et certaines rancunes sont peut-être encore présents par la force de l’habitude et la peur de l’abandon radical, mais ils ont moins d’emprise. Se tenir en notre centre permet la relation apaisante avec nos défunts.
La mort. Le voyage intérieur
Nous apprenons par la récitation du mantra que l’éternité n’appartient ni à la durée ni au temps. L’éternité est un état, une grâce, où la rencontre avec l’être aimé devient possible. Le voyage intérieur transcende nos limites et nous conduit au cœur même de la vie éternelle. C’est mourir pour vivre. « Celui qui perd sa vie la gagne. » Chaque fois que nous entrons dans le silence divin, nous entrons dans cet espace où les cœurs se rencontrent sans frontières, sans limites. Et si les cœurs se rencontrent, c’est parce qu’il y a la Lumière et non les Ténèbres. Là est le mystère de l’amour. Là nous conduit la prière silencieuse.
Récitons ensemble si vous le voulez bien la prière du père John Main et allons méditer en gardant en nous le souvenir de nos aimés disparus. ◊
Amen.
Ce texte est repris de l’enseignement du 4 novembre 2014 dans le contexte de la Toussaint
Si vous avez apprécié cet article voici un thème connexe : Une semaine à vivre – article ou avec le livret Comme une tour aux quatre vents en format papier ou PDF
Thème musical de la soirée – Lead, Kindly Light
Merci à madame Jeannine Tardif pour sa recherche enthousiaste de cette version.
Guide-moi, douce Lumière
Guide-moi, douce Lumière, dans l’obscurité qui m’entoure,
Guide-moi de l’avant !
La nuit est profonde et je suis loin de ma demeure;
Guide-moi de l’avant.
Veille sur mes pas; je ne demande pas à voir l’horizon lointain;
un seul pas à la fois me suffit.
Je n’ai pas toujours été ainsi; je ne T’ai pas toujours prié
de me guider vers l’avant.
J’aimais choisir et voir ma route, mais maintenant
Guide-moi Toi-même de l’avant.
J’aimais l’éclat du jour et, malgré mes craintes, l’orgueil dominait sur moi : ne Te souviens pas des années passées.
Pendant si longtemps Ta puissance m’a béni; assurément,
elle me guidera toujours vers l’avant,
Par landes et marais, rochers et torrents, jusqu’à ce que
La nuit prenne fin,
Et qu’avec le matin me sourient ces visages d’anges
Que j’ai toujours aimés, et qu’un temps je perdis.
Traduction de l’hymne Lead, Kindly Light tiré du livre : John Henri Newman – in : Textes choisis par Keith Beaumont, Perpignan, éditions Artège, 2010, 146 p.
0 commentaires